Trop de royauté fatigue; ainsi en serait-il de trop de divinité? Heureux parfois les immortels de déserter l'Olympe et d'en échanger les magnifiques lambris contre de modestes résidences, toutes d'affection, où l'on peut à l'aise faire de la vie privée et humaine, de la bourgeoisie! Cérès et Junon avaient, non loin l'une de l'autre, leur Villa, leur Trianon, leur retraite ornée, comme disent les Anglais. Cérès s'était choisi le coin d'un riant paysage : c'était un terrain de médiocre étendue, ceint d'agréables coleaux, et mêlé de bois, de champs, de prairies et d'habitations rustiques. Moins modeste dans ses goûts, Junon se plaisait au centre d'une clairière d'un bois épais. Elle aimait les arbres séculaires, ne laissant pénétrer sous leurs voûtes de feuillage qu'un jour religieux, et dont les branches vigoureuses pussent recevoir en guise d'ex-voto de riches tentures, portant en broderies d'or le nom du suppliant de la déesse, et l'indication du genre de bienfait qu'on attendait de sa bonté comme de sa toute-puissance. Elle avait de plus voulu un temple de pre portions nobles et hardies, où tout fût grandiose et digne de la femme et de la sœur de Jupiter. Celui de Cėrės, au contraire, était remarquable par sa simplicité, par ses grêles colonnes et par le peu d'étendue de son pourtour. A l'entrée gisaient, entassés et pêle-mêle, des gerbes d'orge et de blé, de flexibles épis tressés en couronnes, des faucilles et des râteaux, prémices de récoltes et instrumens aratoires offerts par les laboureurs à la bonne déesse. Psyché prosternée, après avoir rappelé en deux mots ses rapports avec l'Amour, sa curiosité et ses fatales suites, la colère de Vénus et ce qu'elle avait à en redouter, demanda pour toute grâce qu'il lui fût permis de se cacher, ne fût-ce qu'un jour un ou deux, sous les javelles, et de vivre du grain qui en tomberait; mais, quelque grẻ que Cérès sût à la suppliante, des coquelicots, bleuets et autres fleurs qui croissent dans les champs, dont elle avait pris soin de rajeunir et |