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DE VÉRONE.

(TWO GENTLEMen de verone. )

Cette pièce n'est pas attribuée sans contestation à Shakspeare, et Johnson ne consent à la reconnaître pour un ouvrage du grand poëte que par la difficulté de trouver parmi ses contemporains un autre auteur capable du petit nombre de traits heureux qu'elle renferme.

Il faut, du moins, en reporter la composition aux commencements de Shakspeare, malgré l'autorité de Malone, qui la suppose écrite en 1596.

Shakspeare paraît avoir tiré le fonds de sa pièce de celte fameuse Diane de Montemayor, que, dans le premier volume de Don Quichotte, le bon curé préserve du feu, en exigeant toutefois quelques retranchements. Parmi ceux qu'il aurait dû réclamer, plaçons sans scrupule la nouvelle invraisemblable qui a inspiré le poëte anglais.

11 ne faudrait pas néanmoins regarder les deux Gentilshommes de Vérone comme une pièce entièrement dépourvue de mérite. Cette comédie a beau être déraisonnable, on ne la lit pas en anglais sans y trouver un assez grand charme, qu'il faut attribuer sans doute à la couleur brillante et poétique du style. Aussi subtil, plus sentencieux que par-tout ailleurs, Shakspeare remplace cette fois les beaux traits de natu

rel qui font le caractère de son génie, par une multitude de comparaisons gracieuses, d'images vives et pittoresques, où l'on reconnaît toute la fraîcheur, mais aussi tout le vague et toute l'indécision d'un jeune esprit.

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Deux jeunes seigneurs de Vérone, Valentin et Protéo, se font leurs adieux : Valentin est sur le point de s'embarquer pour aller à Milan, quoiqu'il soit assurément plus simple d'y aller par terre; mais, nous venons de le voir, Shakspeare a des moments d'indépendance et d'enthousiasme poétique, où il ne respecte pas plus la géographie, que Pradon, qui l'appelait la chronologie.

Protéo est retenu à Vérone par une violente passion pour Julie, jeune dame de cette ville. Valentin, qui n'a point aimé, ne peut concevoir que l'amour puisse absorber entièrement les pensées d'un homme. Il s'établit entr'eux, à ce sujet, une discussion qui n'aurait pas été déplacée dans un plaid de la cour d'amour. Protéo, pour défendre ses sentiments contre les attaques de son ami, lui répond :

« (1) Les auteurs disent cependant que, comme c'est au bouton de la plus belle rose que s'attache le ver dévo→

(1) Yet writers say, As in the sweetest bud

rant, ainsi l'amour ne pénètre que dans les esprits les plus délicats.

VALENTIN.

Et les auteurs disent aussi que, comme le bouton précoce est souvent dévoré par un ver avant que de s'épanouir, de mème l'amour porte à la folie les esprits jeunes et tendres, qui se fanent dans la fleur, perdent la fraîcheur de leur printemps, et tout le fruit des plus douces espérances. >>

Cette discussion galante se termine, comme la plupart des discussions théologiques et philosophiques, sans qu'il en résulte de conversion d'un côté ni de l'autre. Protéo reste, et Valentin s'embarque.

Il est déjà parti, lorsque son valet Speed vient entamer avec Protéo un entretien qui n'offre autre chose qu'un tissu de calembourgs, de pointes et de coq-à-l'âne.

SCÈNE SECONDE.

Maison de Julie.

Lucette, suivante de Julie, a reçu une lettre de

The eating canker dwells, so eating love
Inhabits in the finest wits of all.

VALENTINE.

And writers say, As the most forward bud
Is eaten by the canker ere it blow,
Even so by love the young and tender wit
Is turn'd to folly; blasting in the bud,
Losing his verdure even in the prime,
And all the fair effects of future hopes.

Protéo, pour la remettre à sa maîtresse. Julie, par décence, fait mine de se fâcher, et renvoie sa soubrette, mais avec une secrète envie de la retenir et de la laisser s'acquitter de son message. Ne pouvant plus résister à sa tendre curiosité, elle rappelle Lucette, se fait montrer la lettre, sous un prétexte adroit, la déchire en grondant bien fort, et en renvoyant de nouveau la soubrette maligne; puis ramasse, avec dépit contre elle-même, les morceaux de la lettre qu'elle vient de déchirer. Cette scène serait fort jolie, si elle n'était défigurée par les pointes et le mauvais goût du dialogue. Le dernier trait de la scène ne me paraît pas cependant sans quelque grâce. Toutes les fois que Julie trouve son nom sur un morceau de la lettre, elle le déchire, pour se punir de sa cruauté feinte. Mais voici bien un grand embarras :

« (2) Le pauvre abandonné Proteo, le passionné Protéo, à la douce Julie......... Je veux mettre ces derniers mots en pièces; et cependant non. Il a si bien su les réunir à son nom infortuné! Je veux les mettre l'un sur l'autre. Allons, baisez-vous, embrassez-vous, disputezque vous voudrez. »

vous;

faites ce

(2) Poor forlorn Proteus, passionate Proteus To the sweet Julia; That I'll tear away;

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And yet I will not, sith so prettily

He couples it to his complaining names :
Thus will I fold them one upon another;

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Now kiss, embrace, contend, do what you will.

SCÈNE TROISIÈME.

Maison d'Antonio.

Le père de Protéo, Antonio, forme la résolution d'envoyer son fils rejoindre Valentin à Milan, où il pourra se former à tous les exercices dignes de sa jeunesse et de sa naissance. Il déclare sa volonté au jeune amant, qui veut en vain s'en défendre.

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Valentin est devenu amoureux de Silvie, la fille du duc. Son valet Speed badine sur cet amour, et explique assez plaisamment à quels signes il a reconnu que son maître était amoureux.

Silvie paraît: elle a chargé Valentin de lui composer une lettre tendre, adressée à un serviteur favorisé; il lui remet cette lettre, qu'elle lui dit de garder comme un salaire de sa peine. L'idée de cette scène serait jolie, si la situation était plus intéressante et mieux préparée, et si la démarche de Silvie ne sautait pas à pieds joints sur toutes les

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Séparation de Protéo et de Julie, qui semble, au

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