Imagini ale paginilor
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Indécise entre les couleurs

Et les parfums de mille fleurs,
Ne sait où reposer son aile,
Charmé de mille attraits divers,
J'oublie et la rime et les vers,
Et ne sais m'occuper que d'elle.
Pour y rêver, plus d'une fois
Dans les jardins et dans les bois
Errant avant l'aube nouvelle,

Je dis : « Que n'est-elle en ces lieux!
Sur ces gazons voluptueux
Je reposerois auprès d'elle;
Ma main de la fleur la plus belle
Parfumeroit ses beaux cheveux;
Plein d'un transport délicieux,
Je la conduirois sous les ombres
De ces bosquets mystérieux;
Car, à côté de deux beaux yeux,
On sait que les lieux les plus sombres
Sont ceux où l'on se plaît le mieux. »
Vains regrets! desir inutile!
Constance, ornement de la ville,
De ce champêtre et simple asile
Dédaigne la rusticité.

Allons, le sort en est jeté:

Allons près de l'enchanteresse
Admirer encor sa beauté,

Et me plaindre de sa sagesse.

A MADAME DE ***,

SUR LE GAIN D'UN PROCÈS.

1768.

La Fortune est voilée, ainsi que la Justice.
L'une éparpille l'or, au gré de son caprice:
L'autre, soulevant son bandeau,
Parfois jette un coup d'oeil propice
Sur le rang, le crédit, ou de l'or en rouleau.
Or, admirez l'effet de votre bonne étoile!
Pour vous restituer un légitime bien,

Sur ses yeux, cette fois, Thémis laisse son voile,
Et l'aveugle Fortune a déchiré le sien.

A M. TURGOT.

1769.

Rien de nouveau dans cette ville immense.

Vous avez vu l'effervescence

Qu'a produite en ces lieux le monarque Danois;
Jamais Paris, jamais la France
D'hommages plus flatteurs n'ont honoré leurs rois:
Du Parlement l'auguste compagnie,
De l'Opéra le théâtre enchanté,

La Sorbonne, la Comédie,

Les Cicérons de l'Université,

Les beaux esprits de notre Académie,
En soi-disant latin, en français brillanté,
En prose, en vers, à l'envi l'ont fêté;
Chaque jour voyoit naître une scène nouvelle,
Et jamais, je vous jure, une ferveur si belle
N'a signalé nos chers badauds,

Depuis l'époque immortelle

Du triomphe des Ramponneaux.

Nos conversations étoient cent fois plus vives:
A quel théâtre ira-t-il aujourd'hui?
Où soupe-t-il? quels seront les convives?
Quel bal nouveau prépare-t-on pour lui?
De son esprit qu'est-ce que l'on raconte?

Quelle femme lui plaît, quel jeu le divertit?
Faut-il l'appeler sire, ou bien le nommer comte?
Jamais on n'a tout dit.

Bien sensible à tout notre bruit,

Ce monarque a daigné sourire à nos caprices,
A nos douces vertus, à nos aimables vices;
N'a sifflé qu'in petto nos petits grands-seigneurs ;
A bien vanté les rois de nos coulisses,

Et les minois de nos actrices,

Et les jarrets de nos danseurs.

Quoique jeune et monarque, il réfléchit et pense: On l'a surpris plus d'une fois,

Observant en silence

Ce peuple amoureux de ses rois;

Plein de vivacité, comme de patience,

Assez bien gouverné par de mauvaises lois :
Sur ses malheurs rempli d'indifférence,
S'extasiant sur des chansons,

Périssant de misère au milieu des moissons,
Faisant d'excellent vin dont l'étranger s'enivre;
Et qui vivroit heureux, s'il avoit de quoi vivre.
Enfin ce prince a fui de ce Paris charmant,

En convenant, pour l'honneur de la France,
Qu'on ne pouvoit assurément

Se ruiner plus galamment,
Ni s'ennuyer avec plus de décence.

Mais, hélas! depuis son absence,

Les esprits et les coeurs, qu'il avoit occupés,

Retombent dans l'indifférence;

Les bals, les opéras, les fêtes, les soupés,
L'importance des étiquettes,
L'exacte rigueur des toilettes,
Tout commence à dégénérer;
Et son départ laisse enfin respirer
Nos cuisiniers et nos poëtes.

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