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NOTES ET IMITATIONS.

NOTES.

(1) Les indications scéniques qui se rapportent à la situation des acteurs, à leurs entrées, à leurs mouvements, à leur ton, aux nuances de leur jeu ont été négligées dans l'impression des œuvres dramatiques de ce grand homme : l'édition complète, publiée après sa mort, est singulièrement incorrecte, comme on le sait. Directeur et acteur du théâtre, sur lequel ses pièces étaient jouées, il dirigeait la mise en scène, sans beaucoup s'embarrasser des indications dont je parle.

Les drames de Ben Jonson, publiés et revus par cet écrivain laborieux, offrent au contraire des indications minutieuses et en grand nombre: Ben note le moindre mouvement de la scène, la plus légère nuance de physionomie, jusqu'aux inflexions de la voix. Exactitude qui cependant n'était pas, à beaucoup près, aussi nécessaire qu'aujourd'hui. Alors une pièce de théâtre n'était pas destinée à paraître sur vingt théâtres de province, à subir l'épreuve de six ou sept traducteurs contemporains, à fournir des canevas aux musiciens, à passer l'Atlantique et à servir à l'amusement du monde entier. Shakspeare, fort négligent de sa gloire, s'est contenté d'amuser le public, sans songer beaucoup à l'avenir. Il n'a pas même recueilli ses œuvres. Cependant elles sont remplies de nuances si délicates, que souvent, faute de connaître les variations matérielles du théâtre, il est difficile de pénétrer jusqu'à la pensée de l'auteur. Nous avons éclairci le texte par quelques indications qui, mettant le lecteur au courant des mouvements du drame, font mieux comprendre le génie et les intentions du grand homme.

Le Choeur ou Prologue, emprunté aux Italiens, était ordinairement en scène, vêtu d'un manteau violet, et un rameau à la main. Ici l'apparition du Choeur est assez capricieuse; Shakspeare ne l'emploie que pour encadrer son premier acte; l'action devenant dramatique, il laisse les événements se développer sans commentaire. Le premier acte est le seul qui comporte en effet cette glose lyrique; et rien n'est plus beau ni plus profond que ces deux Chours.

(2) Toute la première scène, et beaucoup d'autres scènes de ce drame du seizième siècle, n'offrent aucune chance de reproduction fidèle au traducteur français, italien ou espagnol. Schlegel, qui employait une langue jumelle, l'allemand, et se servait de mots nés des mêmes racines, a bien pu faire passer dans sa traduction l'équivalent des calembourgs que MM. Samson et Grégoire se jettent à la tête : il a pu conserver intact tout ce bel esprit des laquais. Pour nous, cette imitation nous est absolument interdite; et la manière trivialement originale dont les valets jouent sur les mots coals, colliers, choler, collar, et s'amusent de cette coïncidence de sons analogues; le combat de calembourgs qui s'établit entre eux, les équivoques dont la populace de Londres faisait ses délices, ne peuvent pas même être expliqués dans notre note déjà trop longue. Nous avons dû reproduire dans notre texte le mouvement vif et populaire du dialogue; le reste nous échappait inévitablement. Voici la traduction littérale :

- Grégoire, sur ma parole, nous ne porterons pas de charbon.

- Non; car alors nous serions charbonniers,

- Je veux dire que si nous sommes en colère, nous tirerons.

- Tant que tu vivras, tire ton col hors du collier.

Je frappe vivement étant ému.

Mais tu n'es pas vivement ému pour frapper, etc.

(3) Quelques équivalents indispensables nous ont tiré d'affaire : par exemple quand Grégoire retourne les arguments employés par son camarade, et les fait servir à prouver le contraire de ce que Samson veut

prouver :

«Je prendrai la muraille (dit Samson), sur tout homine et toute fille >> des Montague.

<< Preuve que tu es un faible esclave; car le plus faible prend la » muraille. >>

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Nous avons employé la locution proverbiale: ils trouveront à qui parler! de · Preuve que tu es un bavard! Ce n'est pas être fidèle que prêter des non-sens à un grand écrivain. Or, ce que dit Samson n'a pas de sens en français: au seizième siècle, en Angleterre, le côté du mur était laissé aux inférieurs. Pour nous c'est tout le contraire. Nous ne

pouvons donner ces passages que comme des imitations très-consciencieuses, bien qu'éloignées, de la pensée et du mouvement shakspeariens. (4) Clubs, bills and partizans !- Cri des Bourgeois qui appelaient la garde.

(5) Littéralement : Aussi éloigné de pouvoir étre sondé et découvert, que le bouton mordu par un ver envieux, avant qu'il ne déploie ses douces feuilles à l'air, et ne dédie sa beauté au soleil. Ces vers, dont la traduction littérale donne une si faible et si fausse idée, sont devenus proverbe en Angleterre.

(6) Dans cette conversation, l'on ne peut trop admirer le mélange de légèreté, de vivacité, de passion, de vagues désirs, d'ironie sans amertume et d'observation du cœur, qui caractérisent le langage des jeunes gens. Il y a des passages intraduisibles. - BENVOLIO. En amour? ROMEO.-Dehors. BENVOLIO. De l'amour! ROMEO. De la faveur de celle pour laquelle je suis en amour. — Il n'y a rien de bizarre dans ces locutions qui nous semblent extraordinaires; ce sont tout bonnement des idiotismes anglais que notre langue ne possède pas, et dont Shakspeare s'est joué, en maître, comme il fait toujours. To be in love (ètre en amour), signifie être amoureux. L'équivalent de la traduction reproduit le mouvement ironique et le jeu de mots des interlo

cuteurs.

(7) Il y a beaucoup à faire avec la haine, mais davantage avec l'amour. Nous avons rendu le sentiment plutôt que les paroles du jeune homme, que ces querelles de famille fatiguent et dont l'âme cherche une sympathie, non des occasions de haine et de combat. Souvent, dans la suite de cette charmante scène, on trouve des rimes, des fragments de sonnets, et des concetti petrarchesques, assurément fort bien placés dans cette importante discussion.

(8) Littéralement. BENVOLIO.-Dites-moi, avec tristesse, quelle est celle que vous aimez. ROMEO.- Quoi? gémirai-je pour te le dire? BENVOLIO.-Gémir? mais non. Mais tristement, dis-moi qui? BENVOLIO. —Dis à un malade de faire avec tristesse son testament. Ah! mot mal à propos jeté à qui est si malade! Tout cela ne signifierait rien, si le mot sadness ne comportait le double sens du sérieux et de la tristesse. Roméo joue encore sur ce mot, pour éviter de faire l'aveu sérieux que Benvolio lui demande. C'est cette intention que nous avons reproduite.

(9) Que le cordonnier s'occupera de sa toise; le tailleur de son carrelet; le pécheur de son pinceau, et le peintre de ses filets. Ce domestique est un Jocrisse auquel, en transposant une ou deux paroles, nous avons conservé sa niaiserie.

(10) Quand la dévote religion de mon œil soutiendra un tel men

songe, que mes larmes se changent en flammes ! que ces yeux ( souvent noyés de pleurs qui ne les tuent jamais) hérétiques, transparents, soient brûlés comme menteurs! Telle est la traduction littérale de ce sonnet à rimes croisées; c'est tout-à-fait une chanson provençale. Lorsque Roméo parlera de Juliette, il abandonnera ce style figuré; alors la passion n'étant plus un caprice, ne lui inspirera plus de sonnets. Le sentiment réel s'exhalera avec une terrible énergie. Il ne sera plus poète affecté, mais amant. Cette nuance entre une passion de tête et une passion de cœur, entre le fragile enthousiasme, la verve prétentieuse, l'éloquence fleurie de la fantaisie sensuelle, et la puissance indomptable, la simplicité, l'éloquence de l'amour vrai, est merveilleusement indiquée. L'intention ironique de Shakspeare est plus évidente. Jamais il n'a rien écrit de ce style, si ce n'est quand il a voulu se moquer de l'amour, comme dans Love's Labour's Lost, Midsummer's Night's Dream, etc. La réponse est du même style, commun et admiré parmi les galants de la cour: Elle est balancée par elle-même dans tes deux yeux, balances de crystal! etc.

(11) La nourrice est une vieille servante de la maison, très-libre, comme on le verra, et fort gâtée par ses maitres. La vulgarité de son babil, la confuse niaiserie de son intelligence, l'incohérence de ses récits, l'importance qu'elle se donne, la grossièreté de ses idées et de ses souvenirs, rappellent l'imitation naïve de la nature populaire, par les Van-Ostade, les Teniers et les Gérard-Dow. Nous avons reproduit, avec de légères suppressions, cette caricature qui d'ailleurs tient essentiellement à l'intrigue: la nourrice l'a préparée par ses rapports avec Juliette: elle va la précipiter par des actions conformes à son caractère. (12) A man of wax, un homme de cire, fait comme de cire; expression populaire.

(13) Le poisson vit dans la mer ; et c'est beaucoup d'orgueil pour la beauté extérieure de cacher la beauté intérieure. Le livre, pour beaucoup d'yeux, partage la gloire qui, dans des fermoirs d'or, enserre l'histoire d'or. Tout ce babil prétentieux d'une mère qui veut faire la savante et l'utile conseillère, est rimé dans l'original : mère italienne, au bavardage inutile, déplacé et de mauvais goût, qui ne vaut pas mieux que la plupart des personnages dont Juliette est environnée. Madame Hemans a spirituellement remarqué que cette Lady Capulet, aussi peu distinguée par l'intelligence que son mari, à la fois sotte, prétentieuse et affectée, parle comme les mauvais poètes de son pays. Cette nullité des parents de Juliette et l'immoralité de sa nourrice justifient le cours du drame, et annoncent les malheurs de la jeune fille. C'est encore une observation juste d'une autre dame anglaise, que la charmante Juliette est une enfant gâtée, et que les discours imprudents de sa mère doivent éveiller son imagination.

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